2ème jour : Vendredi 10 août

Publié le 4 Décembre 2012

2ème jour : Vendredi 10 août

De bon matin, à huit heures, me voici à la cathédrale. C’est ouvert et tout de suite je me retrouve vite à l’oeuvre après avoir pris un bol de lait. Le lieu incite vite à la prière et Justo aussi puisque je me retrouve sur le toit de l’édifice, à marcher sur les tôles pour monter à la corde à travers le dôme squelettique quelques pots de peinture vides dont je ne connais pas l’utilité. Pas rassuré pour deux sous, je médite facilement sur la fragilité de nos existences et la protection divine qui nous est nécessaire à tous. Tout en prenant garde à ne pas passer à travers la coupole.

Des visages du Christ moulés en béton me surveillent quand même. Et puis il n'y a jamais eu d'accident depuis le début du chantier, parait-il.

Nous avons du mal à nous comprendre avec Justo parfois : «¡Vale!» est son expression favorite, et je sais que je ne fais pas de bêtises quand il m’encourage par ce mot-là, «¡Vale hombre!» marche aussi. Il faut dire que je n’avais pas forcément en tête de risquer ma peau là-haut, j’ai donc eu du mal à comprendre son «¡Arriba!», il s’est agacé lorsque je suis monté simplement au premier niveau, avant que je comprenne avec effroi le sort qu’il me réservait.

Puis nous cassons du verre. Evidemment Justo prend les tessons à mains nues !

Un jeune type livre des vitres, don ou achat ? No sé. Je crois comprendre une plaisanterie :

- «Mais alors Justo, tu vas finir ta cathédrale avec ça !

- Tu parles, j’en ai encore pour 20 ans.»

On ne lui donne pas tord.

On n’entend un disque de cantiques ce matin dans la nef. Le grégorien est parfait pour accompagner nos oeuvres dans cette cathédrale.

Vient mon grand oeuvre de la matinée : finir de déplacer les morceaux de marbres-carrelage. Il doit y avoir plus de cinq tonnes, mais le coin sombre est dégagé à la fin de la journée. Pourquoi faut-il les déplacer ? Attendons pour savoir.

Je discute en française avec une famille espagnole qui vit au Luxembourg.

Tout va bien même si j’ai pris un bout de marbre sur le pied gauche. Rien de cassé.

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Quand je me douche, ça coule noir dans la baignoire.

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Pas sûr que se soit si sûr de laisser ma voiture au milieu d’un chantier

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Le repas est à 14h, c’est l’heure espagnole, il faudra s’y faire. Je dois penser à prendre mon pot de confiture le matin car on ne m’a proposé que du pain sec à tremper dans mon lait. La cuisine se trouve dans la future sacristie où l'installation électrique pourrait bien donner des ulcères à un homme de l'art. Je dis quelques mots en anglais pour entraîner les deux neveux d’Angel. Justo aime beaucoup le coca et regarde de prés (il doit avoir de sacrés problèmes de vue) les bêtises de midi à la télé : une version espagnole du Larry King Show.

L’après-midi, je transporte du métal, puis du bois. Comme le matin quoi. Pas très passionnant, c’est pourquoi j’ai demandé à Angel de faire autre chose et je lui ai dit que j’étais prêt à apprendre, peut-être la semaine prochaine. Savoir que je vais pouvoir «construire» et pas seulement faire de la manutention me donne un nouvel horizon, je sens que je vais être plus motivé, même pour bouger des cailloux. Je ne suis pas au bout de mes surprises néanmoins.

Des fois Justo s’arrête, s’assoit et pense dans le vide. Étrange bonhomme, vraiment vieilli, sans dent, ridé comme un vieux vagabond, qui semble laisser un peu les rênes à Angel et ses acolytes. Mais qui semble aussi rêver doucement à son monument. Justo ne doit pas mourir après que sa cathédrale soit fini, il n’aurait plus de raison de vivre. Mais espérons qu’elle sera suffisamment avancée quand il rendra son dernier souffle pour qu’il soit sûr qu’elle sera finie. Il mourra heureux.

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¡ Bravo Lavillenie !

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Je suis toujours «le français», on m’appelle ainsi quand on me cherche, «¡Frances! , ¡Frances!» personne ne s’occupe de connaître mon prénom.

Pas rassuré pour deux sous sur le toit.

Pas rassuré pour deux sous sur le toit.

Mon grand oeuvre du jour : manutention, balayage et rangement.

Mon grand oeuvre du jour : manutention, balayage et rangement.

Attenant à la cathédrale, le cloître ... à construire.

Attenant à la cathédrale, le cloître ... à construire.

Rédigé par Florian

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